Visite de l'Atelier Violette et Dieudonné

Photo du panneau en métal à l'entrée de l'atelier Violette et Dieudonné

Projet lancé en 1994, l'atelier Violette et Dieudonné est une coopérative d'artisanat d'art et d'entrepreunariat social située dans le quartier Ankazobe Ambohimanambola, à Antananarivo. Autour des métiers de ferblantier et ferronier, l'espace a grandi dans le temps d'un atelier personnel du coupe d'artiste à une manufacture artisanale qui emploie une centaine de personnes au moment où j'y étais et permet l'éducation des enfants des travailleurs et travailleuses à travers une école créée sur le terrain en 2005. Malgré un ralentissement des activités dû au COVID, le projet continue d'évoluer et de se diversifier dans l'agriculture, pisciculture, lombriculture et permaculture avec l'objectif de devenir autosuffisant en nourriture.

Cet article présente le projet tel que j'ai pu le découvrir en octobre et novembre 2025 lors d'une visite guidée par Dieudonné. J'y suis retourné à l'occasion du festival Koba Libre, qui a eu lieu le 22 novembre, vous pourrez trouver des images et photos en ligne, je n'en ai pas pris à cette occasion.

Je me suis intéressé aux procédés de fabrication plus qu'aux objets finis, pas de photos non plus de l'intérieur de la boutique, ne vous attendez pas à trouver ici un catalogue des objets d'artisanat produits, vous pouvez en trouver déjà moult en ligne. Les personnes travaillant à l'atelier n'ont pas été prises en photo pour préserver leur identité.

Ferronerie d'art

Photo du batiment principal de l'atelier, dans lequel sont installées les boutiques, on peut voir des statues en métal installées dans les espaces extérieurs

Ancien professeur d'EPS issu d'une famille de ferblantier, artisans travaillant l'aluminium pour la réalisation d'outils, Dieu Donné Razafinjatovo, également connu sous son nom d'artiste Donné Vy, reprend la tradition familial et devient à son tour ferblantier et ferronier au milieu des années 90 choisissant d'orienter sa pratique vers l'artisanat d'art après une formation en design en France en 1996. Il crée alors l'atelier avec sa femme d'alors, Violette Ralalaseheno, ancienne athlète de haut niveau devenue artiste, qui le soutient et contribue au projet en organisant la boutique et les ventes à l'étranger tout en développant sa propre pratique artistique. Aujourd'hui reconnus à l'international où ils vendent la majorité de leur production, lauréat⋅es de nombreux prix et récompenses en art et design, ils se séparent après le COVID mais continuent de travailler ensemble au projet familial dans lequel leurs enfants Finoana Ratovo et Fitiavana Rakoto font également une carrière en plein essor.

Photo d'une statue de métal installée à l'extérieur représentant une divinité protectrice de la faune et de la flore malgache réalisée par Fitiavana Rakoto, la statue est entourée de deux grands baobabs en métal, pièces emblématiques du travail de Donné Vy

L'espace s'étend sur 1 hectare, acquis progressivement ces 20 dernières années, abritant les boutiques, les ateliers, les habitations des membres de la famille et plusieurs batiments accueillant des élèves de la partie éducative du projet. Le batiment principal accueille les boutiques de chacun et chacune sur plusieurs étages, l'ensemble du batiment constituant une oeuvre en soi avec ses décorations pleine de symbolisme et ses pièces de ferronerie installées sur les toits et les balcons. L'escalier principal est une reproduction de la main droite de Dieu Donné agrandie 18 fois reprenant la symbolique des 18 ethnies de Madagascar, chaque marche est ornée de motifs d'animaux issus de la faune et la flore malgache ou d'objets incrustés dans l'enduit en terre dont il est composé.

Photo de l'escalier menant aux étages du batiment principal, comportant de nombreuses décorations et objets incrustés

Donné Vy a été novateur dans la ferronerie malgache en y apportant une dimension artistique forte tout en conservant un trait culturel profondément malgache en ne travaillant qu'à partir de matériaux et outils de récupération principalement créés à partir de pièces de véhicules, moteurs, filtres à huile, ou de bidons en tôle. Ces préoccupation de recyclage, réemploi, récupération qui ne sont apparues en occident que depuis une dizaine d'année sont omniprésentes en Afrique et particulièrement à Madagascar où la rareté des ressources a depuis longtemps forgé une culture et une économie basées sur la réutilisation des matériaux qu'on retrouve dans les objets du quotidien.

Photo de pièces de moteurs, pièces de véhicules et morceaux de tôle stockées en attente de réutilisation pour des pièces d'artisanat

Toutes les oeuvres sont ainsi, au délà de leur qualité esthétique, un témoignage de ces pratiques typiquement malgaches. Rien n'est jeté, tout est transformé et valorisé. L'expérimentation est constante permettant une évolution continue de l'art et une grande capacité d'adaptation.

Photo de pièces en cours de fabrication: des bustes fabriqués à partir de chaine de moto et un tronc de baobab fait à partir de tôle perforée

Atelier social

Photo d'un masque en cours de fabrication à côté d'un poste de trvail près duquel reposent les outils

Un autre aspect novateur de l'atelier est l'inclusion des personnes les plus exclues de la société en offrant du travail à des personnes handicapées, aveugles, sourdes ou neurodivergentes et aux femmes. La société malgache est très inégalitaire et l'Atelier fait partie des quelques initiatives permettant à ces personnes d'avoir une place dans la société, d'avoir un travail et de retrouver de la dignité dans une société où la différence est le plus souvent motif de discrimination et d'exclusion.

Photo de cisailles de découpe des feuilles de métal, on peut voir les écailles obtenues dans un seau à proximité

Par superstition, peur ou ignorance, les personnes handicapées sont parfois rejetées, y compris par leurs familles. L'Atelier leur offre une opportunité que le reste de la société leur refuse et leur handicap y est valorisé. La division des tâches et le travail manuel permet à chaque personne d'avoir une palce dans le processus de fabrication, s'adaptant quelles que soient les difficultés. Toute personne participant reçoit un salaire qui augmente à mesure qu'elles apprennent le métier et sont quotidiennement nourries gratuitement.

Photo d'un poste de travail auprès duquel on peut voir les outils et les morceaux d'oeuvres finis autour du poste de travail

Éduquer

Photo des batiments dans lesquels est installée l'école

Depuis 2005, une école est en développement pour les enfants des travailleurs et travailleuses de l'atelier, accueillant 300 personnes au moment où j'y étais. Dispensant des cours des niveaux crèche et préscolaire jusqu'au brevet des collèges, l'éducation à l'écologie et les activités parascolaires sportives et artistiques font partie du cursus de formation des enfants.

Photo d'un panneau d'éducation à l'écologie dans une salle de classe

Si le projet a été ralenti par le COVID et le lieu encore en cours d'aménagement pour accueillir plus de classes, l'activité est soutenue et les ambitions affichées pour des évolutions futures donnent de l'espoir. À Madagascar, les structres scolaires accueillant des élèves gratuitement sont quasiment inexistantes, ce projet fait partie des exceptions.

Photo de morceaux de statuettes en argile, restes d'un atelier d'initiation à l'art avec les enfants de l'école

Nourrir

Photo de l'espace du terrain dédié à l'agriculture, on voit Donné Vy en casquette et tee-shirt sur la droite de la photo, au milieu de la végétation luxuriante

Le dernier aspect de l'entrepreunariat social de l'Atelier concerne la production de nourriture, une large partie du terrain étant ainsi occupée par des plantations vivrières et médicinales. Démarré par la lombriculture et la production d'engrais biologique, le sol a été progressivement nourri et enrichi pour permettre de démarrer des cultures productives tout en refusant l'apport d'engrais chimiques et l'utilisation de machines à moteur.

Photo du sol, on peut voir des lombrics sortir de la terre

C'est à travers la permaculture que s'est diversifié le projet, organisant la production en utilisant des techniques déjà éprouvées et adaptées au terrain.

Photo d'un installation d'oyas, amphores enterrées utilisées en permaculture, près de plans de choux-fleurs

Au delà de les cultures du sol, le projet s'oriente également vers de l'élevage animal et de la pisciculture. L'objectif à long terme est d'assurer un forme d'autosuffisance alimentaire pour la cantine scolaire et les repas des travailleurs et travailleuses.

Photo d'une vache en train de brouter

Conclusion

L'Atelier Violette et Dieudonné est un projet total, qui intègre à sa démarche de production d'art et d'artisanat les questions des conditions de cette production. Loin d'être en déconnexion avec leur environnement, les artistes y sont ici pleinement intégré⋅es, l'art devenant presque un prétexte pour concrétiser un modèle social alternatif à la réalité violemment inégalitaire du reste de la société malgache. Cette démarche demande en contrepartie énormément de temps, d'efforts, d'abnégation et de travail pour assurer la pérennité du projet. On ne peut qu'admirer une telle démarche et leur souhaiter un futur brillant.

Lien vers les photos HD