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Site personnel de Nick 'Kholah' Randrianarisoa

Fondé en 2020 par Joël Andrianomearisoa et Hasnaine Yavarhoussen, Hakanto Contemporary est un centre d'art contemporain à but non lucratif basé à Antananarivo. Entièrement financé par le Fonds Yavarhoussen, il accompagne les artistes malgaches dans le développement de leurs projets et dans leur rayonnement local et international.

Le centre conçoit des expositions, des rencontres, des publications et des dispositifs de transmission avec une exigence artistique affirmée.

Plus qu'un espace d'exposition, Hakanto Contemporary est un lieu de création et d'expérimentation, pensé pour et avec les artistes. Trublion assumé de la scène culturelle, le centre bouscule, interroge, déplace les lignes et revendique l'urgence de la création contemporaine à Madagascar.

Projet indépendant, gratuit et accessible à tous, Hakanto Contemporary affirme une ligne artistique forte et sans compromis, et s'impose comme une institution pionnière de l'art contemporain malgache et acteur dynamique des la création contemporaine africaine.

Présentation issue du site web du centre.

Nous avons été visiter le centre en famille après la Fondation H. Plus excentré à Ankadimbahoaka, le centre est installé un double hangar sobre assez confidentiel bien qu'indiqué par de nombreux panneaux dans le quartier.

Photo de l'extérieur du centre Hakanto Contemporary

L'espace intérieur est divisé en plusieurs petites salles dédiées à des artistes où on trouve des peintures, sculptures, installations et projections et une plus grande où se côtoient des installations plus grandes et des photographies de plusieurs artistes. Au total 19 artistes étaient présenté⋅es dans cette deuxième exposition du centre autour du thème des sentiments.

Photo du cartel de présentation de l'exposition en Malagasy, Anglais et Français

On avait déjà la précédente visite à la Fondation H dans les pattes et ma petite cousine commençait à avoir envie de rentrer à la maison donc on a passé moins de temps là-bas, je ne serais donc pas exhaustif et vais parler ici uniquement des oeuvres qu'on a eu le temps de voir et que j'ai trouvé intéressantes.

Xhi sy M'aa, M'aa sans toi

Xhi Sy M'aa, littéralement Xhi et M'aa, était un couple d'artistes philosophes prolifiques en musique et en peinture ayant créé un univers singulier à travers une carrière de plus de 50 ans commencée dans les couloirs du métro parisien au début des années 70.

Le décès de Xhi en mai 2024 a laissé un grand vide dans la culture malgache dont témoignent les très nombreux hommages qu'on peut trouver en ligne.

À l'occasion de cette exposition à Hakanto Contemporary, M'aa s'est exprimée pour la première fois depuis le décès de son compagnon sur leur carrière et leurs inspirations devant un public nombreux, témoignant de l'impact et de l'attachement que leur art a suscité chez les malgaches. Consultable sur leur page facebook.

Photo d'un tableau figuratif de Xhi Sy M'aa

Les oeuvres présentées témoignent de leur attachement aux symboles dont elles sont emplies, comme dans les signes des mains, les postures et les expressions des personnages ou le choix des couleurs. Si la majorité des tableaux sont figuratifs, on trouve aussi quelques exemples de tableaux abstraits montrant la diversité de leur travail.

Photo d'un tableau abstrait de Xhi Sy M'aa

Mirado, Dia ho iray ihany izaho sy ianao

Photo du cartel de présentation de l'installation de Mirado

Mirado est un auteur, compositeur et interprète de chansons d'amour Malgache qui a commencé très jeune sa carrière dans la musique et rapidement connu un grand succès toujours d'actualité qui propose ici pour la première fois une installation.

Photo du bureau de Mirado installé au centre de la pièce

Il présente son univers intime à travers des objets marquants de sa vie d'artiste comme son enregistreur cassette, des lettres de fans ou sa guitare et de sa vie personnelle comme ses bagues de fiançailles ou des photos répartis dans la salle autour de son bureau au centre de la pièce, lui-même jonché de documents et albums photo permettant de s'introduire dans l'espace sensible de l'artiste.

Photo de l'enregistreur cassette de Mirado

Les sentiments s'évanouissent dans le temps. Ici, je les garde précieusement.

Richianny et Mat Li, Next to me

Photo de fleurs installées dans des vases laissées à la dégradation du temps

Sur des tables alignées en ligne sont installés des objets que le couple d'artistes Richianny et Mat Li ont choisi pour illustrer leur histoire de couple, leur amour, leurs difficultés et l'évolution de leur relation.

Photo des habits de mariage de Richianny et Mat Li

On trouve ainsi beaucoup d'objets liés à leur mariage, comme leurs habits de cérémonie et leur gateau de mariage, à leurs parents et à la famille, Mat Li ayant une relation particulière avec sa mère, le tout formant une fresque de leur vie commune s'achevant sur une oeuvre faite de cordes de couleurs, le bleu représentant Richianny, l'or Mat Li et l'argent leur enfant pour symboliser les liens qui se nouent et se tissent ensemble, laissant ouverte l'oeuvre sur l'avenir.

Photo d'un assemblage de cordes de couleurs symbolisant les liens entre Richianny, Mat Li et l'arrivée de leur enfant dans leur vie

Oeuvres sur lesquelles nous n'avons pas eu d'explications par manque de temps

Temandrota, Lamban'Akoho

Photo de l'oeuvre Lamban'Akoho composée d'un grand tissu noir sur lequel sont peint des motifs évoquant les os de poulet et tacheté de blanc

Cette oeuvre imposante s'inspire d'un proverbe malagasy disant approximativement “jusqu'à ce que la mort nous sépare”, le Lamban'akoho étant la peau du poulet dont il ne se sépare qu'à sa mort. Elle interpelle et tranche avec le reste de l'exposition, installée sur un mur au fond de l'espace. Les motifs blancs peints sur le tissu noir évoquent les os ou les plumes, les taches pourraient symboliser le sang ou les fientes de poulet.

Donné Vonj, Mamakivaky Fo

Photo de l'oeuvre du duo d'artistes Donné Vonj représentant un coeur en terre cuite brisé étalé au sol

Réalisé par le duo d'artiste Donné Vonj formé par Razafinjatovo Dieu Donné, aussi connu comme Donné Vy et Vonjiniaina, ce coeur en terre cuite ou séchée s'étale éclaté au sol sur la dernière partie de l'espace d'exposition.

Le titre signifiant “traversant le coeur”, j'y ai vu une symbolique de la douleur de la séparation, du coeur brisée où l'utilisation de la terre rend l'oeuvre très organique.

Conclusions

Photo d'un poème rédigé sur un mur à l'extérieur du centre: "Pour imaginer minuit et survivre au matin, Pour rêver la vie avec les étoiles, Pour caresser la peau en tendresse, Pour ne pas se laisser dérober les larmes, Pour rendre l'absence plus légère, Pour défier la fin du soir, Pour ne jamais rencontrer l'oubli, Pour broder des fleurs dans l'insouciance, Pour vaincre seul le combat des passions, Pour troubler la tête dans le sens de la fête, Pour laisser vivre le printemps dans nos coeurs."

Pour imaginer minuit et survivre au matin, Pour rêver la vie avec les étoiles, Pour caresser la peau en tendresse, Pour ne pas se laisser dérober les larmes, Pour rendre l'absence plus légère, Pour défier la fin du soir, Pour ne jamais rencontrer l'oubli, Pour broder des fleurs dans l'insouciance, Pour vaincre seul le combat des passions, Pour troubler la tête dans le sens de la fête, Pour laisser vivre le printemps dans nos coeurs.

Ce que j'ai beaucoup aimé en visitant ce centre d'art contemporain, c'est la mise en avant de l'art et des artistes malagasy autour d'un thème universel qui est exploré à travers de oeuvres souvent très symboliques, spirituelles voire mystiques.

J'ai regretté le manque de cartels explicatifs, car si une médiatrice était effectivement présente pour nous aider à comprendre certaines oeuvres, nous aurions aimé être plus guidé⋅es dans la visite du lieu. Le manque de temps et de patience de ma petite cousine a également joué.

Au final, je suis très heureux car j'ai pu découvrir plusieurs artistes dont le travail m'a touché et intéressé, mais je regrette d'avoir manqué de temps pour bien comprendre tout ce que j'ai vu et réellement faire un tour plus exhaustif du centre.

Photos en haude définition ici

La Fondation H est une fondation malgache d’art contemporain. ‍ Elle a été créée à Antananarivo en 2017 à l’initiative de l’entrepreneur et mécène Hassanein Hiridjee, convaincu que l’art et la culture ont un impact sociétal fort et permettent une ouverture critique au monde. Elle est reconnue d’utilité publique depuis 2018.

Site Internet

Photo de l'entrée de la Fondation H

Nous avons visité cet espace en famille, cet article présente une partie des oeuvres que nous découvert à cette occasion.

L'entrée et les visites des expositions étaient gratuites et ouvertes à toustes.

Yinka Shonibare, Safiotra (Hybridités)

L'artiste britannico-nigérian présente ici sa première exposition monographique sur le continent africain à l'invitation de la fondation autour de l'hybridité, le terme malgache “safiotra” désignant la fusion de deux êtres pour créer une nouvelle entité tout en héritant de leurs caractéristiques propres.

L'exposition rassemble des oeuvres crées au long de ses 20 ans de carrière, explorant les intersections entre les sociétés, les cultures et les questions coloniales.

Photo de l'oeuvre accueillant les visiteurs. Un mur entier est peint en bleu ciel sur lequel des cercles de wax ornés de rayons au bout sont fixés des animaux

La wax, tissu d'origine indonésienne, produit en Hollande et très utilisé en Afrique est omniprésente dans ses oeuvres, directement avec le tissu ou par ses motifs, comme symbole de ces marqueurs culturels du passé colonial que les peuples se réapproprient.

Dès la première salle, il est utilisé sur des statues et une oeuvre monumentale recouvrant tout un mur de la salle de cercles de wax ornés d'animaux symbolisant la diversité de la faune africaine.

Photo de la statue d'un astronaute ou un scaphandrier habillé d'une combinaison en wax portant sur son dos un filet contenant divers objets et documents

Dans cette même salle, un astronaute ou un scaphandrier porte sur son dos un filet contenant divers objets liés au voyage (appareil photo), à la vie quotidienne (marmite, instruments de musique, jeux) et des documents d'archive malgaches (livres, photographies, brochures). En mêlant éléments modernes et traditionnels, cette oeuvre m'a évoqué la modernité dans laquelle sont plongées ou propulsées les cultures traditionnelles portant littéralement sur leur dos leur héritage en avançant vers l'avenir.

Photo de trois statues peintes avec des motifs wax

Les suivantes qui m'ont particulièrement marquée sont trois statues sur lesquelles ont été peint des motifs wax. Le cartel nous apprend que ces statues s'inspirent des monuments publics célébrant les figures du colonialisme qu'on retrouve à Londres et dans les capitales européennes plus largement. Ici c'est Winston Churchil, la Reine Victoria et Herbert Kitchener qui se voient recouverts par les motifs que l'artiste affectionne. Elles m'ont immédiatement évoqué les déboulonnages de statues de figures coloniales et esclavagistes comme Victor Schoelcher et Joséphine de Beauharnais à Madinina (Martinique) ou d'autres personnalités esclavagistes en Guyane, aux États-Unis et dans bien d'autres endroits du monde qui ont subi l'impérialisme européen, l'esclavage et l'exploitation coloniale.

Photo d'une bibliothèque remplie de livres dont les couvertures sont recouvertes de tissu wax et sur les tranches desquelles sont écrits les noms de personnalités ayant façonné l'Afrique post-coloniale

Plusieurs tableaux et d'autres statues occupent différents espaces, mais l'oeuvre sur laquelle je me suis attardé ensuite est une installation, The African Library, une bibliothèque comportant 6000 livres dont les couvertures sont recouvertes de wax et sur la tranche desquelles sont écrits les noms de personnalités ayant façonné l'Afrique post-coloniale. J'y ai reconnu plusieurs noms de leaders indépendantistes comme Amilcar Cabral, personnalités politiques comme Didier Ratsiraka ou Aminata Touré, mais aussi des artistes comme Gaël Faye et Fou Malade ou des sportifs comme Seydou Keita. L'installation est accompagnée d'un support numérique permettant de parcourir l'ensemble de ces noms et d'en apprendre plus sur la vie et les réalisations de ces 6000 personnalités.

Cette installation permet de matérialiser et visibiliser la quantité et la diversité des personnes ayant contribué au rayonnement du continent africain dans le monde et donne des raisons d'être fier⋅e d'en être issu en changeant le regard qu'on peut porter sur les contributions africaines à l'histoire et la culture mondiale, à rebours du discours politique qui prétendait que “l'homme africain n'est pas assez rentré dans l'Histoire”.

Photo d'une machine volante créée avec du tissu wax

Les dernières oeuvres exploraient le double sens du mot alien qui peut signifier en anglais étranger ou extra-terrestre, à travers des statues représentant des extra-terrestres toujours recouverts des motifs wax et une machine volante créée avec du tissu également orné des mêmes motifs.

Roméo Mivekannin, Correspondances

L'artiste franco-béninois présente ici des oeuvres réalisées en partenariat avec la brodeuse Harivololona Rasamison et les ferronièr⋅es de l'atelier de Finoana Ratovo dans une volonté de faire dialoguer ses univers personnels, de la culture béninoise de laquelle il est issu à Toulouse, sa ville d'adoption jusqu'à Antananarivo qui l'a accueilli pour cette exposition sous le commissariat de Hobisoa Raininoro.

Photo d'une installation composée de 67 sculptures verticales en métal alignées en deux rangées dans un couloir de 20 mètres de long

La première installation présente des autels portatifs vodous appelés asen qui servent à communiquer avec les ancêtres et font écho aux autels verticaux présents dans la culture malgache. Réalisées à l'aide de fers à béton, de tubes et de pièces de métal plates, ces sculptures inspirées d'un rêve de l'artiste et conçues comme un contre-rituel, permettent à travers un parcours initiatique de réinscrire dans l'espace d'exposition des pratiques et principes mystiques effacées par l'évangélisation et la colonisation qui les ont diabolisé, détourné ou méprisé.

Il s'agit d'un hommage aux personnes disparues, à nos disparus, aux ancêtres. En tissant le lien entre Madagascar, lieu paradigmatique du va-et-vient de cultures venues d'Asie, d'Europe et d'Afrique, et le continent africain, cette oeuvre parle du départ et du retour de l'art de rendre de nouveau présent⋅es cell⋅eux qui sont déjà parti⋅es. Roméo Mivekannin

Chacun des autel est orné d'un motif empli de symbolique poussant à l'interprétation, questionnant le rapport à la vie, à la mort, aux racines et aux ancêtres, mettant en avant une culture trop souvent réduite à un folklore autour des zombis dans la culture populaire occidentale, ici représentée dans une complexité qui pousse à la réflexion spirituelle.

Photo d'une installation composée de large pièces de tissu brodés sur lesquels sont reproduites des cartes postales de l'époque coloniale présentant des femmes souvent sexualisées dont les visages ont été remplacés par celui de l'artiste. Le texte écrit sur les cartes psotales figure également sur la broderie.

Après ce premier couloir, on découvre dans une vaste pièce une installation faite de plusieurs broderies reproduisant des cartes postales de l'époque coloniale présentant des personnes “indigènes”, souvent des femmes, souvent sexualisées, dont les visages ont été remplacés par celui de l'artiste accompagnées du texte de la carte postale.

Ce genre de carte postale était très courante à l'époque coloniale dans tous les territoires occupés, mettant en scène les peuples colonisés et surtout les femmes dans des postures de soumission ou des reproductions de “scènes de vie” telles fantasmées par les occupants et étaient envoyées en métropole aux familles et amis des colons. L'artiste a souhaité préservé la dignité des personnes représentées en substituant son visage aux leurs.

Les textes des cartes postales ajoutent à la violence et l'objectification des images une verve dégueulasse dans laquelle des personnes sont réduites à l'état de nourriture ou d'objets pour décrire les situations d'exploitation humaine et sexuelle auxquelles étaient assujettis les peuples dominés par la force et la barbarie ayant accompagnées ces conquêtes coloniales qui se prétendaient, et se prétendent parfois toujours dans les esprits les plus ignorants, “civilisatrices”.

[...] De jolies petites personnes comme ces autres feraient bien mon affaire d'autant plus que le climat excite l'appétit. Hélas! Trois fois hélas! Nous ne disposons pas de tels mets. [...] Extrait du texte d'une des cartes postales

Au delà de la révolte et du dégout que ces images et ces textes suscitent, j'y vois un témoignage cru de la banalisation du mal et du sordide de la domination raciale comme norme, de l'exploitation des corps pour assouvir les fantasmes de puissance de peuples uniquement civilisés à leurs propres yeux et selon des critères définis pas eux-même.

Conclusion

La fondation est un espace accueillant et ouvert, j'ai beaucoup apprécié le parcours de visite, la qualité des oeuvres exposées et leur mise en scène. Des médiateurs et médiatrices étaient présent⋅es pour apporter les explications complémentaires à la compréhension et l'appréciation des oeuvres facilitant leur accessibilité.

Photos en haute définition